On peut fabriquer de l’engrais avec les déchets !

Des élus des Comores se sont rendus à Antsirabe, à Madagascar, où ils ont découvert notamment comment la ville allait transformer les déchets organiques en engrais.
Sur leurs trois roues, trois moto-bennes se chargeaient de collecter les ordures ménagères des quelque 1 800 habitants de Cembenoi Sada-Djoulamlima, une commune rurale au Nord-Ouest de Grande Comore. Les déchets étaient ensuite déposés à 200 m du village, dans une décharge à ciel ouvert, puis brûlés. Un pis-aller qui permettait tout de même de concentrer les ordures sur un seul site.
Mais voilà : les engins sont “tous en panne”, se désole Ali Mmadi, adjoint au maire en charge de l’agriculture et des déchets. Du coup, les habitants, qui n’ont “pas le courage d’aller jusqu’à la décharge, jettent leurs déchets n’importe où !” Pour l’élu, c’est problématique, ne serait-ce qu’en raison “des mauvaises odeurs”.
À 50 km de là, plus au Sud sur la côte Est de l’île, la commune de Dimani n’est guère mieux lotie. Comme le constate Saïd Omar Saïd Djaffar, le maire, “chaque famille jette ses ordures dans un endroit isolé et les brûle”. Outre les conséquences en termes de pollution, cette pratique peut entrainer “des conflits de voisinage” entre les 17 000 habitants, qui n’ont pas d’autre choix, faute d’infrastructure dédiée au traitement des déchets.
Aussi, la possibilité donnée par l’AVCOI de voir comment Antsirabe, à Madagascar, gère ses ordures ménagères a particulièrement intéressé les deux élus comoriens. Fin janvier, ils se sont rendus dans la troisième ville de la Grande Île, forte de 270 000 habitants. “Un voyage parfait”, selon Saïd Omar, qui a permis de découvrir, à 1 500 m d’altitude, un centre flambant neuf de tri et traitement des déchets organiques.
Située sur une ancienne décharge, la structure a été financée par le Programme des Nations Unies pour le Développement. Elle n’est pas encore opérationnelle, prévient Tokiniaina Hobinjatovo, directrice de l’environnement et de la propreté d’Antsirabe, mais devrait l’être dans les prochains mois. À cette date, des agents sépareront les déchets putrescibles du reste, en enlevant notamment tout ce qui est plastique et métal ; une phase de fermentation et de compostage conduira à la transformation de la matière en engrais, à destination des maraîchers de la commune. “Je ne savais pas qu’on pouvait faire ainsi”, s’enthousiasme Ali Mmadi, qui souhaite désormais importer la technique aux Comores.
Mais pour alimenter un tel centre de transformation, il faut beaucoup de déchets organiques ; à Antsirabe, 40 bennes à ordures sont disposées dans la ville, où les habitants doivent déposer leurs déchets. Cela étant, calcule Tokiniaina Hobinjatovo, “seule la moitié des 170 tonnes produites chaque jour finissent à la décharge”.
La décharge ne pourrait de toute façon accueillir toutes les ordures, faute d’aménagement adéquat : “Il faudrait qu’on puisse repousser au centre les déchets qui s’accumulent en bordure, et qu’on dégage des voies d’accès plus pérennes ; quand il pleut, la boue empêche les camions de décharger leur cargaison”.
À Cembenoi Sada-Djoulamlima, sur Grande Comore, Ali Mmadi entend lancer un projet en intercommunalité, pour regrouper la collecte des ordures putrescibles des 21 villages avoisinants, regroupés dans quatre communes. “Deux d’entre elles ne sont pas encore affiliées à l’AVCOI, je vais les sensibiliser”, promet l’adjoint au maire.
Lors de la visite d’Antsirabe, les élus comoriens ont également visité un site de transformation des déchets plastiques, géré par une association. Les sachets sont pulvérisés, fondus et la matière visqueuse ainsi obtenue coulée dans des moules, pour fabriquer des dalles et briques de construction. Ingénieux. Les Malgaches ont même réalisé des statues à partir du plastique recyclé.
Une autre association transforme de vieux vêtements, qui sont déchiquetés puis transformés en bobines de fil prêtes à être à nouveau tissées. Autant de solutions qui ont attiré l’attention des visiteurs, qui espèrent un jour transposer ces techniques aux Comores.
En attendant, l’urgence est de mettre fin aux dépôts d’ordures sauvages dans leur commune. À Dimani, deux sites, l’un dans les hauteurs de la commune, l’autre plus près du littoral, ont été identifiés pour être transformés en décharge contrôlée. Mais, reconnaît le maire Saïd Omar, “on n’en est qu’au début, rien d’officiel à ce jour”.
Cembenoi Sada-Djoulamlima a déjà à disposition un terrain public, qui avait même été terrassé grâce à des fonds européens, pour être transformé en décharge contrôlée. Le projet n’avait finalement pas abouti, mais le site est toujours disponible.